La Fondation de l’École arménienne Sourp Hagop a rencontré M. Manouk Djoukhadjian, grand donateur et important partenaire, pour discuter du lien spécial qui unit le donateur au donataire. Il nous a raconté comment il est devenu un philanthrope et pourquoi il investit dans notre École.
FEASH : M. Djoukhadjian, quelle est votre philosophie du don? Qu’est-ce qui vous motive à donner? Qu’est-ce qui vous inspire en tant que philanthrope?
Manouk Djoukhadjian : Je peux vous raconter comment j’ai découvert la philanthropie, et comment je suis devenu un philanthrope, mais à une seule condition : vous devrez m’excuser si je deviens émotif en évoquant ces souvenirs…
Je suis né à Alep, en Syrie, dans une famille ayant une bonne situation. Au début de mon adolescence, les affaires ont tourné et mon père a dû déclarer faillite. Notre situation financière s’est rapidement dégradée, et je me demande aujourd’hui comment mes parents ont réussi à assurer qu’il y ait toujours de la nourriture sur la table.
J’étais un bon élève qui aimait étudier, apprendre, travailler, et j’excellais dans la majorité des matières. Ma mère savait mon potentiel; elle a décidé que notre situation financière ne déterminerait pas mon avenir.
À l’approche de la rentrée, elle m’a pris par la main et m’a emmené d’église en église, de prélat en prélat, d’école en école. Partout, elle demandait à parler à la personne la plus haut placée pour exposer notre situation et solliciter un soutien financier pour couvrir les frais de ma scolarité. La quasi-totalité des personnes à qui nous nous adressions n’était pas en mesure de nous aider à cause d’un manque de moyens. Porte après porte se refermait… mais, au final, il y avait toujours quelqu’un pour dire oui. Pendant trois ans, ma mère a réussi à obtenir un soutien financier de cette manière pour me permettre de poursuivre mes études. Ça me semblait être un miracle.
J’étais un garçon de douze, treize, quatorze ans à l’époque. Ma mère insistait que je l’accompagne dans ces démarches. Je l’en remercie aujourd’hui, car elle m’a permis d’être le témoin de sa détermination immuable, de découvrir la force de la sollicitation et l’importance de la philanthropie, de comprendre qu’il y avait toujours de l’espoir et de l’aide. Un jour, assis à côté d’elle dans un bureau quelconque qui avait accepté de nous recevoir, je me suis fait une promesse : j’étudierai, je deviendrai ingénieur pour bien gagner ma vie, j’aurai du succès dans ma carrière, et, un jour, j’aiderai à mon tour les personnes qui seront dans le besoin.
Aujourd’hui, je peux vous affirmer que mes dons viennent de ce moment précis. Ils viennent de la témérité de ma mère, de son courage, et de son refus de céder à une situation qui semblait parfois désespérée. Et c’est parce que je savais que des philanthropes avaient accepté d’investir en moi que j’ai voulu me dépasser et aider mon prochain à mon tour.
Je suis bien placé pour savoir que certains jeunes peuvent se trouver dans des situations difficiles à cause de facteurs externes, sur lesquelles ils n’ont aucun pouvoir. Les jeunes provenant de familles modestes ne sont jamais responsables de leur situation. À l’instar de mes bienfaiteurs inconnus, je souhaite soutenir nos jeunes pour qu’ils puissent réaliser leur plein potentiel. Et je veux encourager les familles qui en ont besoin de demander de l’aide.
FEASH : Cette année marque le 12e anniversaire du partenariat qui unit l’École et la Fondation Famille Manouk Djoukhadjian. À quelles fins donnez-vous à l’École arménienne Sourp Hagop? Que souhaitez-vous accomplir au sein de notre École et au service de notre communauté?
Manouk Djoukhadjian : La mission principale de l’École arménienne Sourp Hagop est de former la prochaine génération de notre communauté. J’estime que cette mission a une importance capitale, et je veux faire mon possible pour aider les jeunes qui seront nos leaders de demain.
Nous sommes chanceux d’avoir une école qui n’a rien à envier aux autres institutions scolaires de la ville et de la province. L’École arménienne Sourp Hagop a tout pour atteindre l’excellence tant en matière d’offre de services que de formation. Je m’implique pour soutenir l’École dans son développement, et j’appelle chaque membre de la communauté à faire de même, à s’intéresser à nos programmes, soutenir nos projets, et s’unir pour notre objectif. Soyons ambitieux, n’ayons pas peur de voir grand pour notre École, et investissons dans nos élèves pour les motiver à s’élever.
C’est cette conviction qui nous a permis d’entamer ensemble de vastes projets, notamment la modernisation du laboratoire de chimie en 2012 et le réaménagement complet en 2022 de notre ancienne cafétéria devenue aujourd’hui l’Agora Anna et Manouk Djoukhadjian. Ces travaux représentent un investissement total de 505 000 $ qui continue de porter fruit et de bénéficier à nos élèves, à nos enseignantes et enseignants, ainsi qu’au personnel de soutien.
L’autre point d’ancrage de notre partenariat est évidemment notre programme d’aide financière, créé en 2014. Depuis, un montant supérieur à 110 000 $ a été attribué à 104 jeunes ayant un besoin financier et faisant preuve d’excellence académique. Je me réjouis de savoir que ces jeunes ont la possibilité de fréquenter notre école, d’obtenir de bons résultats et de se surpasser grâce à ce programme d’aide financière.
Les leaders de demain, c’est aussi en quelque sorte les philanthropes de demain que nous formons. Il y a en effet un lien très spécial qui unit le donateur au donataire, même si chacun demeure inconnu ou anonyme pour l’autre. Souvent, celui qui reçoit est motivé à donner à son tour – comme c’était le cas pour moi, et une belle chaîne de solidarité se crée, au profit de toute une communauté.
FEASH : Merci beaucoup d’avoir partagé votre vision et vos expériences avec franchise et générosité. Nous sommes privilégiés de vous compter parmi nos grands donateurs, et nous vous remercions pour votre engagement exceptionnel.
Manouk Djoukhadjian : On ne parle pas assez à mon avis des bienfaits du don sur le donateur. Je suis personnellement convaincu que donner améliore mon bien-être personnel, mon bonheur, mon niveau de stress, et ma vie en général. La philanthropie crée une situation donnant-donnant: tout le monde y gagne, et personne n’y perd. Je me sens très chanceux d’avoir le privilège de contribuer à la réussite de nos élèves, et à la mise en œuvre de l’importante mission de l’École arménienne Sourp Hagop.
